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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/232

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On attend. On attend toujours. Je ne sais quoi d’inquiet, mais de solennel vous oppresse. Des brancardiers vont et viennent dont quelques-uns sont les proches de ces malheureux qui arrivent.

Voici le train. Il ne tressaute pas. Il glisse. Comme Léviathan devait glisser sur les eaux, il glisse. Il glisse, silencieux dans le silence. On dirait que tout est mort là dedans, qu’aucun bruit ne sortira jamais de cette file de cercueils en marche.

Mais, à la fenêtre de chaque wagon, je vois ceci :

Deux blanches ailes palpitantes et deux yeux illuminés par la sublime Folie de la Croix. Ce sont celles que l’on va chasser de France, Ce sont les servantes des servantes, celles qui nuit et jour essuient de leurs tabliers, sur chaque malade, le sang du Fils de l’Homme.

Droites, elles attendent que le train stoppe et que l’on ouvre les portières. Et, quand on les a ouvertes, ce sont de confuses pâleurs que j’aperçois parmi des oreillers bouleversés et des paillasses.