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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/261

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RÉFLEXION SUR LA MATIÈRE

de la fabrication la plus moderne. Et l’on ressentait qu’il n’eût fallu que la poussée du poing pour en crever les planchettes si légères qu’on les aurait dites de carton. Et j’opposais ce meuble, dans ma mémoire, à d’antiques pendules conservées dans les mêmes milieux, mais enchâssées dans un coffre de chêne aux cellules ramassées, chêne d’un âge respectable, longtemps séché, longtemps destiné à cet usage. Et que dire de certains violons qui simulent l’indéfectibilité de la matière lorsqu’ils laissent, après des siècles, leur écorce retentir encore du bruit de la brise dans leurs feuilles absentes et du chant de l’oiseau sur leurs branches élaguées ?

On songe, la tristesse dans l’âme, à ces édifices religieux construits avec je ne sais quelle purée de carton et bien faits pour renfermer une foi qui ne soulève plus la belle pierre ; aux pieuses inscriptions imprimées à la hâte sur une banderole de mauvais calicot ; à ces papiers tissus de ce qu’il y a de plus inconsistant dans le domaine végétal et sur quoi des dramaturges et des journalistes contemporains laissent justement baver leur encre