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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/274

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FEUILLES DANS LE VENT

qui se brise sur cette forêt aquatique. Et chaque fois que la plume de ma ligne danse au-dessus de ce buisson ardent je fais, de ma main gauche, un écran à mes yeux.

Voici ma ligne retenue encore au fond. Je tire sur elle à droite, à gauche, en arrière. Je ne perds que l’hameçon que je remplace aussitôt. Je rejette la ligne. Elle est de nouveau accrochée. Cette fois, je perds tout le bas. Je noue au cordonnet de nouveaux crins. Je rattache un hameçon que j’amorce. Je relance la ligne. On entend le déclic de crécelle du moulinet. Ma ligne est-elle accrochée encore ? Je songe en ce moment à la platitude du théâtre contemporain, au… Je tire. C’est peut-être un morceau de… Je ressens une secousse à la main, deux secousses. Est-ce un poisson ou une racine ? Trois secousses. Ça y est : dans la profondeur les mouvements du poisson. Je tire. Je tire. Le poisson n’émerge pas. Il résiste puissamment. Le scion de la canne s’arque à se rompre. La ligne va céder peut-être, si je ne m’arme pas de patience et de l’épuisette. Tant pis ! Je risque le tout pour le tout. Je tire. Je tire. Ça va se rompre. Non. Voici