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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/280

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FEUILLES DANS LE VENT

autre vieillard qui pleurait sur la folie de sa fille.

Il faut aussi que je sache que les plats où sont contenues ces nourritures sont issus, comme elles, de la terre, et que, sur la coupe de faïence, les fruits semblent m’être présentés en offrande par le calice même de l’argile originelle. Et il faut encore que je sache que la carafe de verre où cette eau s’équilibre est sortie de l’eau même, de la mer sodique et sableuse qui lui a laissé sa transparence.

C’est vous, salle à manger, qui êtes le cellier divin : que vous renfermiez la figue mordue par le merle, ou la cerise par le passereau ; ou le hareng qui a vu le corail et les éponges ; ou la caille qui sanglota le nocturne des menthes ; ou le miel d’automne butiné au soleil brun, ou celui d’acacia choisi dans les pâles rayons d’une avenue en larmes ; ou l’huile qui contient la lumière provençale ; ou le sel qui a le reflet des nacres ; ou le poivre que rapportaient, sur leurs galères, des trafiquants aux mystérieux sourires…


C’est vous, salle à manger, que souvent