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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/335

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pas au rendez-vous et le cœur de la jeune fille s’emplit d’amertume comme le mien. Et, dès lors, je fus la fleur qu’elle préféra cueillir lorsque, désœuvrée et n ayant plus le goût de la vie, elle cherchait dans la forme de ma corolle le souvenir de sa robe de bal et, sur mes lèvres, l’amertume des siennes.


la bruyère


Je ne suis que la solitude en robe rose. Tout au plus m’égaré-je parfois jusqu’à ce vallon où la gentiane me recherche. Car ceux qui sont amers se pacifient dans la solitude. Mais mon domaine est ta colline sableuse et déserte et je ne souffre point de mon isolement. Parfois, de ce château dont tu aperçois l’étang, monte ici une jeune fille comme moi vêtue de rose et gracieuse. Ceux qui la verraient assise dans mes touffes ne comprendraient point quelle cause lui fait rechercher ainsi la solitude. Hélas ! Cette jeune fille, malgré sa grâce, est infirme comme moi dont les fleurs délicates s’attachent à un tronc noueux.