Aller au contenu

Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
MÉDITATIONS

X


À chaque jour suffit sa peine.
Matthieu, c. vi, 34.


Il est une épargne aussi poignante que des sous dans la bourse d’une mère pauvre ; de l’eau dans le désert de Gobi ; du foin dans la mangeoire d’un âne. C’est l’épargne de la douleur. Ce pain, qui ne diminue pas quand nous y mordons, non plus que celui de Dieu, remplit, jusqu’à la mort, nos bissacs. Mais il s’agit de ne s’en nourrir que peu à peu, tâchant à chaque jour d’oublier que la portion du lendemain est nécessaire et prête. Car ce pain est d’une telle amertume que si, à l’avance, nous voyions quelle part en a été dévolue à chacun, eh bien, chacun tomberait