Aller au contenu

Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

calme et blanc, les ailes incurvées à la pointe comme celles de ces espèces de colombes qui régnent sur les tempêtes de la mer. Son vol suivait les arceaux du cloître. Puis un deuxième, un troisième oiseau apparaissaient. N’est-il pas dit au Cantique des cantiques :


Ma colombe qui te tiens dans les fentes des rochers,
Qui te caches dans les parois escarpées,
Montre-moi ton visage ?



Et c’étaient, en effet, les colombes choisies qui, s’envolant du nid creusé dans le granit de Dieu, se montraient au blessé qu’elles découvraient en l’éventant de leurs ailes, les Sœurs du père de ceux qui n’ont plus de père, les Sœurs de Saint-Vincent de Paul plus doux que le pain du soir dans la chaumière.

En ce jour-là, le blessé transporté à l’hospice sur un brancard s’appelait Pierre. Et Pierre était fils de Jean, mort l’an dernier, broyé par la mâchoire d’une turbine. Et voici que Pierre venait deux fois témoigner de la férocité des monstres que crée l’homme : tout à l’heure une scie ayant amputé le bras droit de cet ouvrier qui ne comptait pas vingt ans.