Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/103

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particularité sensible, car des différences de forme et de position dans le corps auquel se transmet le mouvement diversifient ce mouvement, indépendamment même du poids de ces corps. Toute forme étant supprimée dans les corps, il ne reste plus à considérer que les éléments constitutifs de ces corps, et, si ces éléments eux-mêmes ont une forme, il faut l’abstraire et ne plus considérer que la quantité d’espace occupée par ces éléments. C’est bien ainsi que l’entendait Descartes, lorsqu’il ramenait un corps à n’être que la somme des volumes de ses éléments. Ainsi, quand on veut donner un sens à cette proposition : La quantité du mouvement reste toujours la même dans le monde, il faut ramener les mouvements et les corps auxquels ils s’appliquent à des relations d’espace et à des portions d’espace. Et alors cette fameuse proposition signifie simplement : des déplacements donnés d’espace s’appliquant à des portions données d’espace peuvent toujours se convertir en déplacements équivalents de portions équivalentes d’espace. En d’autres termes, en affirmant sous cette forme universelle la permanence du mouvement, on n’affirme autre chose que l’homogénéité identique de l’espace. Et, de fait, réduire le mouvement à la quantité, c’est le réduire à l’espace qui est le symbole de la quantité ; affirmer la permanence du mouvement, c’est donc affirmer la permanence de la quantité, c’est-à-dire de l’être considéré comme pure puissance. Par là apparaît une fois de plus ce lien du mouvement à l’être, considéré comme puissance, que nous avons constaté ; par là aussi il apparaît bien que cette puissance homogène et infinie de l’être qui est exprimée par l’espace homogène et infini est bien un aspect réel de l’être ; car non seulement elle apparaît à nos sens sous la forme