Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/137

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ces rapports sont nécessairement donnés avec l’être et la conscience, puisqu’ils sont les rapports de l’être avec la conscience. Or, l’être est éternel, la conscience aussi est éternelle ; car si l’être ne disait pas éternellement moi, comment, en aucune parcelle de l’être, le moi aurait-il pu s’éveiller ? La lumière, le son, la chaleur, la matière sont donc éternels comme l’être et la conscience. L’évolution de l’univers n’est pas superficielle ; elle ne déroule pas une qualité après une qualité : c’est l’évolution intérieure et profonde des forces et des âmes, cherchant toutes dans l’infini le point d’où elles pourront le posséder.

S’il était besoin d’arguments nouveaux pour arracher le monde au mécanisme pur, il me suffirait d’appeler l’attention sur l’idée de vitesse. Tout mouvement a une vitesse déterminée : l’idée de mouvement est donc inséparable de l’idée de vitesse. Or, les différences de vitesse introduisent dans le mouvement des déterminations qui sont beaucoup plus qualitatives que quantitatives. Voici deux corps identiques qui sont portés tous les deux du point A au point B. En un certain sens, le travail effectué est le même pour chacun d’eux ; la même masse a été transportée à la même distance ; elle a parcouru la même quantité d’espace. Mais le corps A allait deux fois plus vite que le corps B, c’est-à-dire que si le même travail a été accompli par les deux masses, c’est dans des conditions tout à fait différentes. Qu’est-ce que la vitesse ? C’est le rapport de l’espace parcouru au temps employé à le parcourir. Mais où ce rapport subsiste-t-il ? Est-ce qu’il a son siège uniquement dans l’entendement humain instituant la relation du temps à l’espace ? Nous discuterons cette hypothèse quand l’heure sera venue, et j’es-