Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/181

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elles sont des rapports d’idées : la quantité est dès lors en elles un élément de vie et de variation.

Mais bien loin que cela exclue la quantité de la sensation, cela l’y incorpore, au contraire. Elle n’y est pas versée du dehors comme en une forme immuable ; elle n’y est pas comme de l’eau dans un verre : elle fait partie de la vie même de la sensation. Dès lors, la quantité peut être perçue par la conscience dans la qualité et avec elle, précisément parce qu’elle concourt à cette qualité, et nous échappons à la thèse de M. Bergson. Mais aussi il est impossible d’isoler la quantité dans la sensation ; dès lors, ne pouvant, dans la sensation même, isoler l’élément quantitatif, nous ne pouvons mesurer directement la sensation et nous échappons à la psychophysique. Il n’est pas plus possible de fixer et de mesurer la quantité dans la sensation qu’il n’est possible de mesurer la grandeur réelle d’un objet plongé dans une eau mouvante à une profondeur inconnue. Mais le sentiment que nous avons de la quantité dans la sensation nous induit à chercher si cette quantité n’est pas représentée à part, hors de la sensation et en correspondance avec elle. Et voilà comment nous cherchons la mesure de la sensation dans les mouvements qui lui correspondent. Si la thèse de M. Bergson était vraie, on ne s’explique pas comment nous essayerions de chercher hors de la sensation la mesure d’une quantité que nous n’aurions pas entrevue dans la sensation elle, même. Et si la psychophysique était vraie, on ne s’expliquerait pas pourquoi nous chercherions hors de la sensation la mesure d’une sensation que nous pourrions directement mesurer. M. Bergson et la psychophysique aboutissent également à rendre l’espace inutile, car, pour M. Bergson, il n’y a plus aucun rapport saisissable