Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/217

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Le rôle de l’électricité dans l’économie générale du monde et de la vie est trop peu connu encore pour qu’il nous soit possible de tenter une déduction sérieuse. Par sa rapidité et sa subtilité elle semble analogue à ce qu’on appelle l’éther. Mais en même temps elle est étroitement unie à ce qu’on appelle la matière. Tandis que la chaleur et la lumière se manifestent dans le pur éther, l’électricité ne se manifeste que dans la matière. Tandis que la lumière et la chaleur se propagent suivant leurs lois propres avec une inflexible géométrie, l’électricité chemine dans les corps de façon variable et irrégulière et sa marche dépend évidemment de la nature même de ces corps. On dirait que l’électricité est comme un moyen de communication subtil et rapide entre les éléments matériels, résistants, épais, s’excluant les uns les autres ; il se serait produit une sorte de dispersion et de morcellement de l’être, si des courants continus rapides n’en avaient en quelque façon maintenu l’unité. Par la pesanteur qui oriente tous les éléments de notre planète vers le centre, la terre n’est guère qu’une unité géométrique. Peut-être, par les courants magnétiques qui l’enveloppent comme une invisible ceinture, est-elle, en un sens, une unité vivante. J’entends par là que les changements de température, d’équilibre, survenus en un de ses points, peuvent se répercuter dans la planète tout entière par un mouvement continu, rapide et interne. Ainsi, les courants magnétiques et électriques résumeraient la vie de la planète et lui donneraient une forme d’unité. La physiologie conjecture que les organes des êtres vivants sont comme baignés dans un milieu électrique qui assurerait l’équilibre des fonctions. Il est difficile de croire que les phénomènes de pensée et de vouloir ne sont pas accompagnés de phénomènes élec-