Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/35

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générale de l’affirmation ; elle n’a qu’un seul caractère positif qui est de se déterminer elle-même. Elle suffit cependant, grâce à ce caractère, pour rendre compte de deux éléments de la conscience sensible dans lesquels elle se réfléchit en quelque sorte et auxquels elle confère par cela même une valeur objective. Elle se détermine elle-même ; elle est donc à la fois antérieure et postérieure à elle-même ; elle doit donc être figurée dans la conscience sensible par une forme vide de l’antériorité et de la postériorité. Et cette forme n’est autre que la première dimension de l’étendue ou la longueur. De plus, elle va, par une sorte de mouvement logique d’elle-même, en tant qu’antérieure, à elle-même en tant que postérieure. Il doit donc y avoir aussi dans la conscience sensible un passage purement formel de l’avant à l’après ou une appréhension successive de la longueur, et ce passage ou cette succession est le temps. Mais l’idée de l’être se transforme elle-même au contact de son propre symbole, et tandis qu’elle n’était d’abord que nécessité logique, détermination du même par le même, elle devient, en s’appliquant à l’étendue et au successif, détermination de l’homogène par l’homogène, nécessité mécanique, en un mot, causalité. La causalité, voilà, en définitive, l’être idéal ; le schême pur de la causalité, la ligne invisible décrite par le temps, voilà l’être réel ou le monde. Tout le reste doit être tenu par nous pour une illusion et pour un rêve. »

J’arrête là cette déduction de M. Lachelier où l’on reconnaît aisément la grandeur subtile des discussions éléatiques. Elle se poursuit par un enrichissement progressif de l’idée d’être ; mais ce que j’en ai cité suffit pour marquer le point où nous sommes et pour permettre la discussion. Le problème de la réalité a abouti