Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/372

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tité pure, qui, par sa divisibilité infinie, fait obstacle au mouvement. D’un côté, il y a un mouvement déterminé, une action déterminée ; de l’autre côté, il y a un milieu d’action, de mouvement, absolument indéterminé. Comment adapter l’un à l’autre, et la détermination du mouvement, de l’acte, ne va-t-elle pas se perdre, comme une goutte d’eau dans la poussière infiniment divisée du sable, dans l’indétermination de la quantité ?

Mais nous, nous avons montré dans l’espace le symbole de l’être. L’espace ne permet pas seulement le mouvement, moyen de communication de l’être à l’être : il l’appelle, il l’exige ; il n’acquiert vraiment quelque consistance que par le mouvement qui le parcourt. Dès lors, comment l’espace pourrait-il faire obstacle au mouvement, puisqu’il ne se réalise pleinement que par lui ? L’axiome que la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre est bien significatif : il est évident et indémontrable. Or, une propriété purement géométrique et quantitative y apparaît liée à l’effort du mouvement pour être le plus bref et le plus direct possible. C’est parce qu’un point aspire vers un autre point d’un effort plein, absolu, sans aucune autre pensée, si l’on peut dire, qu’il marque dans l’espace une ligne droite ; et cette droite est la plus courte, parce qu’elle répond exclusivement à l’objet même de l’effort, c’est-à-dire au sens intime du mouvement. Puis donc qu’une relation quantitative déterminée est ainsi fondée et justifiée, avec une évidence absolue, par le seul mouvement, comment, encore une fois, l’espace pourrait-il s’abstraire du mouvement pour l’absorber après dans l’indétermination de la quantité pure ? Certes, nous ne contestons pas que l’espace soit, en un sens, l’image de