Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/417

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sciences par une sublime recherche de perfection qui est la perfection elle-même, et qui crée ainsi le monde et les consciences individuelles, en se revêtant d’un corps notre moi ne se sépare pas de Dieu ; il entre, au contraire, dans le système de la pensée divine et du vouloir divin : et notre pensée, localisée dans un organe misérable et fragile, n’en est que plus étroitement rattachée à la pensée absolue. Dans ma pauvre tête fatiguée, il y a Dieu.

Aussi, bien qu’il n’y ait pas de pensée individuelle sans organisme, la pensée individuelle et le moi individuel dépassent l’organisme infiniment, et le cerveau même, organe de cette pensée, est infiniment plus vaste que l’organisme. Il semble, tout d’abord, que c’est comme force de mouvement que nous sommes le plus strictement limités à notre corps. Nous ne pouvons remuer directement que lui. Il n’en est pas moins vrai qu’il y a en nous des énergies de mouvement qui ne se dépensent pas dans notre organisme. Quand on dit que notre âme voyage avec les nuages qui passent, avec les oiseaux qui volent, on a l’air de faire une métaphore, mais on dit une vérité.

Quand nous remuons un de nos organes, le bras par exemple, le mouvement est commencé dans le cerveau avant d’aboutir au bras. Il y a mieux ; comme ce mouvement du bras ne se produit qu’à condition que l’idée de ce mouvement soit représentée dans le cerveau, tout mouvement des organes est figuré dans le cerveau sous sa forme précise. Tout mouvement de l’organisme existe donc, d’abord, à l’état de mouvement cérébral. Mais il peut y avoir des mouvements cérébraux qui ne soient pas susceptibles de se convertir en un mouvement de nos organes. Notre organisme est déterminé dans sa