Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/189

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d’un projet où l’État se désarmait volontairement de tout ce qui n’était pas indispensable à l’existence d’un enseignement officiel. Mais ils voulaient davantage, et, comme ce projet était destiné à devenir une des lois organiques de la République, ils firent décider, avec l’aide de plusieurs républicains modérés, que cette loi organique ne serait pas votée par la Constituante et ils hâtèrent la mort de cette Assemblée, parce qu’ils escomptaient avec raison la complaisance de celle qui lui succéderait.

Il ne resta donc plus debout que la Commission extra-parlementaire dont Falloux avait soigneusement choisi les membres[1].

La loi Falloux. — En l’année 1867, le vicomte de Falloux, assistant au congrès catholique de Malines, y fut applaudi et salué comme l’auteur de la loi qui a conservé son nom. Il répondit : « Ce n’est pas moi qui ai fait la loi de 1850. Je vais vous dire qui l’a faite. » Et il nomma Montalembert d’abord, puis l’abbé Dupanloup et enfin un troisième personnage qui, ayant « jeté un regard courageux et profond sur toutes les plaies de la société », fit le succès de la loi. C’est Thiers qu’il désignait ainsi.

Sauf que, selon sa coutume, il réduisait à l’excès sa part de responsabilité, il disait vrai en rappelant cette collaboration de l’Église et de la bourgeoisie apeurée. Les deux éléments étaient abondamment représentés dans la Commission qui allait perpétrer cette œuvre « d’ordre moral ». On y rencontrait la fleur du parti catholique : Montalembert, Augustin Cochin, membre de la Société des Amis de l’enfance, le vicomte de Melun, membre de la Société d’Économie charitable, l’abbé Sibour, l’abbé Dupanloup, habile directeur des âmes mondaines des Parisiens et Parisiennes, qui venait de publier un livre sur la pacification religieuse, Laurentie, rédacteur de l’Union, de Riancey, rédacteur de l’Ami de la Religion, Roux-Lavergne, rédacteur de l’Univers. Louis Veuillot avait été laissé à l’écart, parce que son caractère effrayait le ministre ; on le croyait capable de tout gâter par son intransigeance. N’est-ce pas lui qui disait de l’Université qu’il aurait voulu entrer au cœur de la place, non par la porte, mais par la brèche ? A côté figuraient six Universitaires ; parmi eux, Cousin, l’ex-grand-maître de l’Université, qui disait : « Loin de craindre l’autorité religieuse, je l’appelle de tous mes vœux, » et qui allait mériter de l’abbé Dupanloup cet étrange éloge de se montrer dans les séances « très amusant » ; Michel, qui croyait la morale impossible, si elle n’était fondée sur la religion ; Saint-Marc-Girardin, le rédacteur des Débats, occupé à foudroyer Jean-Jacques et George Sand dans son cours de la Sorbonne ; Dubois, ancien directeur de l’École Normale, qui fut le plus ferme défenseur de l’esprit laïque ; puis des hommes politiques triés sur le volet, Bûchez, le néo-catholique, l’ex-président du 15 mai ; Peupin, l’ouvrier clérical, de Corcelles, le représentant de la

  1. Il y eut en réalité deux Commissions administratives nommées par lui, l’une pour l’enseignement primaire, l’autre pour l’enseignement secondaire. Mais, dès le début, elles se fondirent en une seule.