Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/284

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On peut étudier cette œuvre dans L’Exposé général que Vidal et Pecqueur rédigèrent et qui parut incomplet au Moniteur ; ou encore dans le volume de Vidal intitulé : « La Révolution de Février au Luxembourg. Louis Blanc a pris la peine de la condenser de nouveau dans son Histoire de la Révolution de 1848.

Elle aboutit, en partie, à un plan détaillé qui fut déposé sur la tribune de la Constituante, mais qui ne fut ni discuté ni lu ; il disparut emporté, comme bien d’autres, par la grande vague de réaction qui suivit les journées de Juin. Ce plan éclectique, où les idées de Louis Blanc ont été complétées et amendées par Vidal et Pecqueur, a été résumé par lui sous forme de projet de loi. A ne le considérer qu’au point de vue de la production (car il touche aussi à d’autres problèmes), en voici les traits essentiels :

Un ministère du travail, chargé de préparer la révolution sociale et qui, avec le produit des grandes entreprises rachetées par l’État (chemins de fer, mines, banques, assurances, etc.,) se compose un budget spécial destiné : l° à commanditer des associations ouvrières ; 2° à fonder des colonies agricoles. Les associations, pour avoir droit à l’aide pécuniaire de l’État, doivent accepter cette répartition de leurs bénéfices : 1/4 pour l’amortissement du capital appartenant au propriétaire avec qui l’État aura traité ; 1/4 pour secours aux vieillards, malades, blessés, etc ; 1/4 à partager entre tous les travailleurs ; 1/4 pour la formation d’un fonds de réserve qui, joint à ceux des autres industries, créerait une masse inaliénable, appartenant collectivement à tous, toujours grossissante, vraie caisse du prolétariat, administrée par un Conseil qui serait comme le régisseur de toutes les industries. — Dans les ateliers de chaque industrie, fixation, d’après la situation du marché, d’un chiffre de bénéfice licite, par conséquent d’un prix uniforme pour les produits et d’un salaire qui varierait d’un pays à l’autre de façon à équivaloir toujours à la même quantité de marchandises, qui pourrait aussi varier d’une catégorie d’ouvriers à une autre ; car Louis Blanc fait cette concession d’admettre des salaires inégaux, fixés par le vote même des intéressés. Quant aux colonies agricoles, elles sont sommairement expédiées dans le projet de loi de Louis Blanc, mais elles tiennent la première place dans l’Exposé général. Il devait y en avoir une par département, composée de cent familles, dont un tiers se livrerait aux petites industries qu’alimente le travail de la terre (charronnage, maréchalerie, etc.] Mais point de commerce ! Chacune d’elles devait s’approvisionner en gros de toutes les denrées nécessaires qu’elle revendrait à ses membres au prix coûtant. Elle devait pratiquer la grande culture et contenir une sorte de cité ouvrière, où les colons seraient logés et où ils auraient en commun : bibliothèque, salle de réunion, lavoir, buanderie, cuisine économique. Plus tard, on y annexerait une école d’agronomie et un hospice pour les vieillards. Le sol qu’elle occuperait serait pris sur les terrains vagues des communes, sur les landes défrichées, et le capital indispensable à l’exploi-