Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/305

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le développement du commerce et de l’industrie, elle devait surtout fournir de l’argent pour appuyer les armées et aider aux luttes contre l’étranger. Et, puisque nous venons de noter rapidement la création de la Banque de France, ajoutons que c’est une loi de l’an XI (17 germinal) qui a institué en France l’unité monétaire basée sur le métal argent, et organisée de telle sorte que la valeur du métal est égale à sa valeur fictive.

Quand parurent les premières monnaies à l’effigie de Bonaparte, il y eut dans les partis de réaction un mouvement assez curieux. Les royalistes, en effet, qui croyaient encore à la possibilité du retour des Bourbons, envisagèrent comme une prise de possession définitive du consul le fait qu’il mettait en circulation des pièces où il était représenté. « Le projet de loi sur la nouvelle monnaie, est-il dit dans un rapport[1], a fait une petite révolution dans plusieurs salons qui s’étaient apaisés depuis quelques temps. Comme un petit nombre d’incorrigibles rêvent toujours que le gouvernement actuel n’est qu’un provisoire, ils trouvent que l’article de la monnaie passe les bornes : c’est fini, cela ne peut plus tenir, c’en est trop, telles sont les formules en usage à ce sujet… » Et un autre rapport nous raconte[2] : « On parle dans le public de quelques pièces de cinq francs qui ont paru dans la circulation avec une raie au col ; plusieurs ajoutent même que cette raie ou collier est telle qu’elle n’a pu qu’être frappée avec la pièce… On se rappelle d’avoir vu avant la Révolution une semblable polissonnerie sur des louis d’or, où il y avait deux cornes sur la tête de Louis XVI. Ces cornes étaient en relief, et les louis avaient été fabriqués et frappés exprès. On assure que la police est sur la voie et a déjà interrogé plusieurs personnes qui avaient de ces pièces de cinq francs. »

En dehors de l’action gouvernementale traduite par des institutions, nous citerons, comme œuvre particulière destinée à accroître le domaine industriel, la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, où des hommes comme Chaptal, Berthollet, Monge, Montgolfier s’unirent, dès 1801, pour aider au développement de l’industrie et au perfectionnement des instruments de travail. M. Levasseur a consacré d’excellentes pages aux améliorations obtenues dans les différentes branches de l’industrie, par la coopération de la science, de l’art et du travail[3]. La nécessité de veiller aux transformations du machinisme à l’époque intermédiaire qui nous occupe était évidente, et nous avons des preuves que l’on s’en préoccupait. Voici, par exemple, un rapport à l’empereur, où l’on voit proposer d’accorder des pensions aux artistes et ouvriers distingués de la ville de Lyon[4] :

  1. Archives nationales, F7 3703, 21 ventôse an XI.
  2. Archives nationales, id. loc., 21 floréal an XI.
  3. O. c., I, p. 397, La science et l’art dans l’industrie.
  4. Archives nationales, AFiv*, 1060, germinal an XIII.