Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/320

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faveur de l’Angleterre un plaidoyer véhément : il n’est pas difficile de reconnaître que l’écrivain est inspiré directement par les hommes politiques anglais et que les théories émises par lui sont le reflet très exact des opinions qu’on lui suggère.

Le devoir de l’historien est assurément de s’efforcer vers une impartialité aussi complète que possible et nous aurons assez souvent l’occasion de maudire la néfaste et insatiable ambition de Napoléon, les désastreuses conséquences de son exécrable politique, pour ne pas quand il est juste de le faire, invoquer à son profit des témoignages importants. Or, s’il est vrai, comme nous l’avons dit déjà, que le blocus continental fut le point de départ d’odieuses expéditions militaires et la cause d’une suite de guerres meurtrières qui ensanglantèrent l’Europe, il est équitable de reconnaître, par contre, que les provocations britanniques poussaient l’empereur dans cette voie et que la responsabilité des événements incombe aussi, dans une large mesure, aux belliqueuses tendances de l’Angleterre.

Nous en trouvons la preuve dans l’ouvrage de Schlegel, dont nous venons de faire mention.

D’abord, voici l’aveu que la guerre était souhaitée de l’autre côté du détroit.

« Il était facile de voir, dit Schlegel, que le danger pour l’Angleterre n’était pas dans la guerre, mais dans la paix, que Bonaparte ne considérait celle-ci que comme une trêve utile pour augmenter et exercer sa marine ;… qu’il créerait ainsi en peu d’années une force maritime capable de tenir tête à celle de l’Angleterre, et qu’alors elle se verrait menacée d’une invasion dans ses foyers. »

Et, plus loin, cet argument qui tend à démontrer la nécessité pour l’Angleterre de continuer la guerre maritime sans interruption :

« La supériorité de la marine anglaise, en nombre et en manœuvres, est telle, que leurs antagonistes croient avoir remporté un triomphe, lorsqu’une de leurs escadres s’est échappée d’un port et en a atteint heureusement une autre, en se glissant le long de la côte… En vain Bonaparte fait-il construire nombre de vaisseaux de guerre, en vain a-t-il établi une conscription maritime : aussi longtemps que les Anglais continuent la guerre sans interruption, qu’ils ne se lassent pas de bloquer tous les ports importants, ils n’ont rien à craindre ; les marins français ne peuvent pas se former, faute d’expérience et ces immenses préparatifs sont comme des écoles de natation à sec. »

Quant aux procédés à employer dans cette guerre maritime, quant aux droits des neutres, dont nous parlions tout à l’heure, voici ce que Schlegel en pense et son opinion, je le répète est incontestablement la même que celle qui inspire les ordres du Conseil britannique.