Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/361

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Des gens humains avaient apporté des reliques révérées à Valence. Les dévots massacreurs furent émus et dès lors ne tuèrent plus sans avoir vu leurs victimes confessées. On devine la scène, inexorable mélange des admonestations charitables et des absolutions à des gens qui râlaient sous le poignard ?

À la première nouvelle de tous ces événements successifs, Napoléon s’empressa d’envoyer des renforts dans la péninsule : l’expédition fut désastreuse : tandis qu’en Aragon le général Lefebvre-Desnouettes se trouvait arrêté par l’héroïque résistance de Palafox, le général Dupont allait, en Andalousie, se couvrir de honte par le sac de Cordoue et la capitulation de Baylen. À Cordoue, les soldats français se livrèrent à un brigandage effréné, pillant, brûlant les maisons, dévalisant les caisses publiques et les églises.

Puis, menant des troupes chargées de butin, traînant derrière lui des fourgons remplis d’objets précieux, le général Dupont se replia sur Andujar d’où il devait se diriger sur Madrid.

C’est en marchant sur cette capitale que dans les terribles défilés de la Sierra-Morena il livra son corps d’armée et porta par une capitulation déshonorante le coup décisif au prestige français en Espagne.

Surpris avec ses 17 000 hommes par l’armée d’Andalousie, placée sous les ordres du général suisse Redinz et de l’émigré Compigny, Dupont n’opposa pas la moindre résistance : non seulement il se rendit sans avoir lutté, mais même il laissa comprendre dans la capitulation le corps du général Vedel, pourtant hors d’atteinte. La signature de cette capitulation eut lieu le 22 juillet : l’acte stipulait que les deux généraux et leurs troupes seraient transportés en France. Mais la junte de Séville refusa d’enregistrer la capitulation et la colère des Espagnols ne connut plus de bornes quand furent découverts dans les sacs des soldats, les objets pris au pillage de Cordoue. Dès lors les prisonniers français parcoururent le plus douloureux calvaire qu’il soit possible d’imaginer : les mauvais traitements et les outrages les suivirent d’étape en étape : quatre-vingts d’entre eux sont massacrés par la populace à Lebija ; les autres poursuivirent leur route tandis que les femmes leur crachent au visage et que les enfants leur jettent de la boue. Enfin, ils arrivent sur les pontons de Cadix, puis à l’île de Cabrera où ils vont endurer mille supplices et où la plupart périrent dans les angoisses de la faim, dans les tortures de la soif, brutalisés et martyrisés par d’impitoyables ennemis. Sur les 17 000 hommes qui rendirent leurs armes à Baylen, trois mille à peine revirent les côtes de France après six ans de souffrances indicibles.

C’est ainsi que toujours les malheureux enfants du peuple paient de leur sang, de leur dignité, de leurs larmes, les criminelles folies des conquérants ambitieux.

Tandis que Dupont perdait son corps d’armée dans les défilés de la Sierra Morena, Junot en Portugal subissait lui aussi un terrible échec et devait signer à Cintra, le 21 août 1808 une autre capitulation qui, pour être