Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aigles triomphales jusqu’aux colonnes d’Hercule ; là aussi nous avons des outrages à venger… Soldats ! tout ce que vous avez fait, tout ce que vous ferez encore pour le bonheur du peuple français et pour ma gloire, sera éternellement dans mon cœur ! »

Partout les ordres de l’empereur furent exécutés ; et ce fut une marche triomphale à travers la France : les compliments, les harangues se succédèrent et les chansons, suivant la recommandation impériale, célébrèrent les victoires passées et futures. Citons comme échantillon cette strophe d’Arnault :

L’honneur vient encor vous tenter
Nos drapeaux qu’a vus la Vistule
L’honneur vous dit de les planter
Sur les deux colonnes d’Hercule
Courez affranchir ce détroit
Voisin de l’Africain sauvage,
Borne d’un monde trop étroit
Pour l’élan de votre courage.

L’armée d’Espagne, forte d’environ 250 000 hommes, fut divisée en huit corps placés sous les ordres des maréchaux Victor, Soult, Moncey, Lefèvre Mortier, Ney et des généraux Gouvion-Saint-Cyr et Junot. La campagne commença tout de suite avec vigueur et les troupes de l’indépendance essuyèrent des revers successifs : Moncey refoulait les Espagnols sur Léon en leur faisant 12 000 prisonniers, tandis que Lefèvre s’emparait le 1er novembre de Bilbao après avoir mis en déroute les troupes unies du général La Romana et du général Blake.

Sur ces entrefaites, Napoléon venait prendre en personne la direction des opérations ; et, le 5 novembre, il arrivait à Vittoria et le 10 il s’emparait avec Soult de la ville de Burgos où il établissait son quartier général.

Il s’agissait maintenant pour l’empereur de s’ouvrir la route de Madrid : la tâche lui fut d’abord facilitée par la bataille d’Espinosa où l’armée d’Estramadure subit le rude et meurtrier assaut des corps de Victor et de Lefèvre, puis par celle de la Tuleda (23 novembre) où le maréchal Lannes qui avait fait sa jonction avec Moncey, écrasa les troupes ennemies commandées pourtant avec une énergie désespérée par Castanos et Palafox.

Une dernière et redoutable étape restait à franchir pour arriver aux portes de Madrid : le terrible défilé de la Somo-Sierra, où les Espagnols avaient résolu de tenter une suprême résistance et où ils s’étaient fortifiés dans une position d’apparence inexpugnable. Napoléon, qui parfois était économe du sang de ses soldats, trouva l’occasion bonne de confier à ses auxiliaires polonais le soin de franchir les premiers ce terrible passage où quatre hommes de front seulement pouvaient s’engager. « Je vous laisse l’honneur de passer avant ma garde impériale » dit avec un noble geste le magnanime empereur à l’escadron composé de jeunes gens arrivés la veille de Varsovie. Il n’en