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campagne. Toutefois, Soult continuant à poursuivre les Anglais les accula bientôt à la Corogne le 10 janvier : le maréchal français espérait même les réduire à une capitulation, mais pendant une nuit obscure le général Moore blessé à mort réussit à faire embarquer ses troupes, laissant aux mains de l’armée française une foule de blessés, des munitions et vingt canons. Pendant ce temps Lannes battait à Ucles une division espagnole et mettait de nouveau le siège devant Saragosse où l’intrépide Palafox était enfermé avec les débris de son armée vaincue à Tudela. La ville ne succomba que le 20 février après une résistance demeurée fameuse dans les fastes militaires. Ce fut une lutte grandiose et terrible à laquelle on ne peut songer sans un frémissement d’horreur. Il fallut prendre une à une chaque maison transformée en citadelle où les femmes, fanatisées par des moines brandissant le crucifix se faisaient tuer à côté des hommes. On mit le feu aux quatre coins de la ville, on fit sauter à la mine des quartiers tout entiers : pourtant les assiégés refusaient de se rendre.

Quand enfin la soumission fut faite, il ne restait plus que dix-huit mille des cinquante mille défenseurs accourus sous le commandement de Palafox ; celui-ci était malade à toute extrémité et chaque jour des centaines de victimes mouraient dans les rues d’épidémies déchaînées par les émanations effroyables des cadavres qu’on ne prenait même plus la peine d’enterrer.

À cette époque d’ailleurs, la guerre dans toute la Péninsule prend un caractère de sauvagerie répugnante : de part et d’autre, on ne faisait pour ainsi dire plus de prisonniers ; d’effroyables tueries se succédèrent où les deux ennemis grisés, affolés par l’odeur du sang et de la poudre se livrèrent à de terribles excès.

Soult et Ney poursuivaient leur campagne de Portugal avec des fortunes diverses, victimes surtout de leur jalousie respective, prêts l’un et l’autre à se trahir mutuellement.

Le premier après avoir réussi à s’emparer de Porto à la suite d’une grande victoire, dut cependant évacuer la ville, repoussé par l’expédition anglaise qui venait de débarquer à Lisbonne (22 avril) sous les ordres de Vellesley. Le second entraîné par la retraite de son collègue dut à son tour abandonner la Galicie, laissant Victor et Sebastiani se débattre sur la frontière du Portugal. Malgré les victoires de Medelleri et de Ciudad Real, ces deux derniers généraux furent bientôt obligés de se replier sur Madrid.

Mais la capitale elle-même se vit à son tour menacée par les armes Anglo-Portugaises et Espagnoles qui commandées par Vellesley et Bensfort s’avancèrent jusqu’aux environs de Talevera.

Là, malgré l’infériorité numérique des troupes françaises, l’armée ennemie aurait pu être prise entre deux feux et anéantie si le maréchal Soult avait exécuté l’ordre à lui donné par Jourdan, de se jeter sur les derrières des troupes alliées.