Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/394

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ment toutes les clauses de la convention qu’il s’apprêtait secrètement à transgresser.

La situation devint critique en 1809, à l’issue de la campagne contre l’Autriche, lorsque Napoléon se fut convaincu du peu d’empressement que le czar avait apporté à la lutte à laquelle le traité de Tilsitt et la convention d’Erfurt le contraignaient de coopérer. Certes, Napoléon avait sujet de se plaindre de son allié ; celui-ci, tandis que les années françaises livraient de furieux assauts contre les Autrichiens, limitait son concours à quelques envois de troupes auxquelles l’ordre secret avait été donné d’éviter tout contact avec l’ennemi. Justement exaspéré par ce qu’il considérait comme une trahison, Napoléon exhala son mécontentent et, et s’empressa de le sanctionner en n’accordant au czar, pour prix de son alliance inutile, qu’un territoire de très médiocre importance, la Galicie orientale.

D’autres causes de rupture allaient d’ailleurs bientôt surgir, qui devaient rendre inefficace toute tentative de conciliation ; il faut citer d’abord, au premier rang de ces motifs, le vif ressentiment qu’éprouva Napoléon en présence de l’accueil singulièrement altier fait par l’impératrice douairière de Russie aux propositions de mariage avec une grande-duchesse de Russie, que le despote français eût été fort heureux de voir aboutir. le czar Alexandre, qui supportait l’alliance et l’amitié impérieuses de Napoléon comme un joug, se souciait assez peu de resserrer encore, par des liens de parenté, des relations qui lui paraissaient dangereuses. Il n’insista donc pas tout d’abord auprès de sa mère pour faire obtenir gain de cause à son illustre allié ; les négociations traînèrent en longueur, entravées à tout moment par des prétentions nouvelles de l’impératrice douairière, et la situation ne prit fin qu’avec la brusque résolution, en 1809, de Napoléon de souscrire sans retard aux propositions de mariage avec une archiduchesse d’Autriche, négociées par Schwartzenberg, alors ambassadeur de l’empereur François, et le ministre actuel des affaires étrangères, duc de Bassano. Cette décision, en faisant cesser brusquement les pourparlers que la cour de Russie se plaisait à ne point résoudre, ne laissa pas néanmoins de blesser vivement le czar et l’aristocratie russe ; la situation se tendait déjà de jour en jour ; l’habile Caulaincourt, ambassadeur à Pétersbourg, avait reçu des instructions précises lui enjoignant de ne point céder, de veiller au strict accomplissement des volontés impériales, de s’opposer vivement à toute tentative de violation du traité de Tilsitt.

D’autre part, le blocus continental, que Napoléon prétendait maintenir et qu’il imposait rigoureusement à tous les peuples alliés ou vassaux, ruinait le commerce de la Russie, mise dans l’impossibilité d’écouler en Angleterre quelques-uns de ses plus importants produits. La détestable politique douanière de Napoléon menait l’Europe à la banqueroute et neutralisait, en attendant, la vitalité commerciale des nations.

À ces raisons d’ordre économique venaient s’en ajouter d’autres qui ne