Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/496

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sonnels et souvent fort absolue sur les événements auxquels il s’était trouvé mêlé.

La Restauration, qui ramenait un modèle de gouvernement auquel Chateaubriand donnait tout son crédit, fit de l’écrivain un homme politique très en vue. Les faveurs qu’il obtint et les dignités dont Louis XVIII le couvrit ne réduisirent point une combativité naturelle dont il faut voir une preuve curieuse dans la publication qu’il fit, en 1816, de La Monarchie selon la Charte, brochure qui lui attira les sanctions les plus sévères, le fit, entre autres choses, rayer de la liste des ministres d’État et détermina le pouvoir à lui supprimer temporairement sa pension.

Après avoir, deux ans après, fondé un journal : le Conservateur, Chateaubriand semble vouloir abandonner les agitations de la vie politique pour entrer dans l’action diplomatique où il paraît n’avoir que d’assez faibles dispositions. On lui confère les plus précieuses ambassades : Londres et Berlin ; il assume, en 1823, la responsabilité de la guerre d’Espagne en sa qualité de ministre des Affaires étrangères. Sa vie publique prend alors une tournure d’autant plus susceptible d’être critiquée qu’elle témoigne d’un orgueil buté et d’un contentement de soi capables d’entraîner les pires erreurs.

C’est ainsi qu’il cesse volontairement d’appartenir au ministère Polignac, qu’il démissionne également de son titre de pair de France et qu’on le trouve, en 1832, devant la justice, poursuivi, sans résultat d’ailleurs, pour la publication de son mémoire sur la captivité de la duchesse de Berry. Il s’était fait, un peu auparavant, l’émissaire de cette même duchesse de Berry dans une entreprise qui lui valut d’être quelque temps emprisonné. Quelques événements de médiocre importance auxquels les circonstances le mêlèrent furent les derniers éléments d’une vie politique au déclin.

Il passa ses dernières années dans un calme profond, parmi d’intelligents amis qui l’entouraient de cette affection respectueuse dont il se montrait si touché. Il ne connut donc plus les amertumes, les rancœurs et les ennuis dont les moindres événements l’impressionnaient toujours. Très soucieux de son attitude et s’imaginant constamment que le souvenir de ses moindres gestes ou du plus simple aspect de sa personnalité passerait à l’histoire, il sut jusqu’au bout garder cette altière splendeur, cette noblesse d’allures, cette sérénité hautaine qui lui composent une gloire éphémère, mais qui évoquent encore cependant la force singulière, le grandiose et le pathétique dont il nous a laissé d’admirables preuves.

Ce n’est point le lieu de consacrer ici à l’œuvre littéraire de Chateaubriand une longue étude critique ; il s’agit bien plutôt de mettre seulement son nom dans une juste lumière puisque ce chapitre comporte des vues d’ensemble sur une période de l’histoire et non des essais psychologiques sur telle ou telle individualité déterminée. Aussi nous ne nous étendrons pas sur ce