Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/592

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éprouve ce sentiment pénible, et particulièrement dans les vallées où l’on exploite de la tourbe.

« Les murs de ces maisons en terre sont fort bas, on touche facilement le bord de la couverture avec la main, mais le faîte est très élevé. On donne ordinairement au comble une hauteur à peu près égale à la largeur de la maison, ce qui sort de toute proportion. Les fenêtres sont placées à toute sorte de hauteur et sans symétrie : toutes sont garnies de volets. »

Dans le mémoire du préfet du Nord, nous trouvons encore quelques indications sur les salaires des travailleurs agricoles :

« Ouvriers qui travaillent à la tâche :

« Les faucheurs, les moissonneurs, les batteurs en grange.

« Année commune, on peut calculer que le produit de la journée d’un faucheur et d’un moissonneur est dans la latitude d’un franc vingt-cinq à un franc cinquante centimes, outre la nourriture, et que celui de la journée des autres ouvriers à la tâche est d’un franc, nourriture non comprise. »

Indications insuffisantes d’ailleurs pour avoir une idée approximative des salaires sur les autres points du territoire français. Il faut donc nous contenter de l’affirmation de Chaptal, qui estime à 1 fr. 25 le salaire moyen de la journée de travail à la campagne.

Nous avons maintenant terminé cet exposé trop incomplet de la situation de l’agriculture pendant le premier Empire, et l’impression dominant qui nous paraît s’en dégager, c’est l’admiration sans borne que mérite une population assez laborieuse et assez vaillante pour n’avoir pas été davantage troublée dans sa tâche opiniâtre par les effroyables perturbations d’une époque où dominait si lugubrement la voix grondante des canons.


LA CAMPAGNE DE FRANCE ET L’ABDICATION

Une indicible angoisse s’était abattue sur la France : l’effroyable joug administratif et fiscal de l’Empire, les levées perpétuelles, l’oppression fiévreuse sous laquelle Napoléon, jamais rassasié de luttes, de sacrifices, d’aventures, d’héroïques folies, étouffait le pays, tout cela n’avait que trop contribué à répandre sur la nation une morne douleur, une consternation immense qu’aggravaient encore les pressentiments, hélas fondés, d’un avenir plus misérable.

L’Empereur était rentré en France le 9 novembre, laissant sur la ligne du Rhin des corps de troupes démoralisés, inférieurs en nombre aux contingents ennemis et incapables de résister à une offensive vigoureuse.

Pour ne point perdre de temps, et comme s’il eût souhaité mutiler la nation de ses propres mains, l’Empereur, sitôt revenu, décréta de nouveaux impôts et pressa l’exécution des mesures militaires qu’il avait précédemment