Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/600

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par des clauses très importantes. L’Autriche, la Prusse et la Russie, entre autres engagements, devaient maintenir sur le pied de guerre, chacune, un contingent de 150 000 hommes.

Le sud de la France était, dans le moment, le théâtre de l’agitation royaliste. Bordeaux, investi le 12 mars par Wellington, retrouva quelque chaleur pour saluer le duc d’Angoulême qui rentrait en France, à l’abri des baïonnettes anglo-espagnoles.

Ainsi qu’un conseil de guerre en avait décidé, et comme nous l’avons relevé plus haut, l’armée de Blücher se hâta vers Paris, dans les derniers jours de février, tandis que Schwartzenberg se retirait dans la direction de l’Aube. Marmont et Mortier, qui allaient se trouver en face du général prussien, avaient mission de le contenir, tandis que Napoléon tentait de le surprendre sur ses derrières. L’empereur comptait en finir avec lui en l’écrasant de la sorte ; le hasard devait déjouer ses plans.

À la tête de 30 000 hommes, Napoléon sortit de Troyes le 27 février ; il laissait Macdonald, Oudinot et Gérard dont les troupes devaient s’opposer à un retour offensif de Schwartzenberg. Pendant ce temps, Wintzingerode et Bulow s’efforçaient vainement de joindre Blücher. Celui-ci, serré par Napoléon, menacé par Marmont, semblait à la veille d’une défaite retentissante qu’il n’évita que par l’incompréhensible frayeur d’un certain général Moreau, lequel commandait Soissons et capitula, sans avoir combattu, livrant ainsi, dans ce moment suprême, la seule issue qui restât à l’ennemi. C’en était fait de ce grand projet de Napoléon : la veulerie de Moreau avait tout perdu ; l’empereur, furieux, ordonna de fusiller l’incapable, et se remit, avec une inlassable ardeur, à la poursuite de celui qu’il comptait briser d’un coup et qui venait de lui échapper miraculeusement.

Napoléon ne voulut point laisser de répit à Blücher ; il passa l’Aisne derrière lui, bien décidé à le contraindre à une lutte inégale certes, et plutôt défavorable aux Français, mais dont il escomptait de brillants et significatifs avantages. Il le joignit, non loin de Berry-au-Bac, dans les plaines de Cravonne où s’engagea, dès le matin du 7 mars, un combat dont les conséquences devaient être fort meurtrières. La position des alliés était excellente mais l’impétuosité des Français fut telle qu’ils ne s’y purent, maintenir et effectuèrent leur retraite dans la direction de Laon. À l’égal de l’ennemi, cette journée brillante pour nos armes, mais peu décisive, nous avait coûté plusieurs milliers d’hommes.

Blücher s’était retiré sur Laon, mettant à profit les accidents de terrain nombreux dans cette région ; il fit là sa jonction avec Bulow et Wintzingerode, et, à la tête d’une immense armée, attendit prudemment l’offensive des Français. Celle-ci ne se fit pas attendre ; le 9 mars, la bataille s’engagea et ne tarda pas à mettre douloureusement en lumière l’impuissance définitive de nos efforts. À mesure que notre artillerie décimait, au prix de ten-