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Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/35

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la loi, c’est l’usage; qui songerait à intervenir? Ne vous arrive-t-il pas en Europe de passer devant une maison où le chef de famille corrige sa femme ou ses enfants? « C’est le boucher qui corrige son esclave, » dit nonchalemment un grand garçon de dix-huit à vingt ans, après avoir prêté l’oreille un moment, tout en rentrant dans sa demeure. Il ne voyait en cela que le droit du seigneur.

Le révérend Jasper était d’un avis différent. Il tenait que chaque créature humaine est un être libre, et que c’est un crime d’outrager une femme, quelle que soit la condition arbitraire que lui attribue la loi du plus fort. Il sauta de voiture et faisant promptement le tour des clayonnages, il fut bientôt derrière la cabine de bois qui servait de cuisine, et dans laquelle la pauvre esclave venait d’entrer. Il appelle Amanda à voix basse. Inconnu de la jeune fille, n’ayant d’autre titre à sa confiance qu’un présent envoyé par William, il avait à lui proposer le salut par la fuite, — la fuite que la candide esclave regardait encore comme une action criminelle, comme une difficulté insurmontable pour une femme ; la fuite, pensée nouvelle, terrible, à laquelle il n’avait pas le temps de l’amener par degrés. Je ne rapporterai point cette conversation, dont je ne fus pas témoin. Le récit, me dit plus tard le missionnaire, en serait toujours au-dessous de la réalité. Ce fut, dans l’âme d’Amanda, un combat intérieur, qui se traduisait en paroles brûlantes : d’une part l’attachement à ceux qui l’avaient élevée, la crainte de leur désobéir ou de leur nuire, et d’autre part l’effroi de sa situation nouvelle, sa délicatesse de femme, le souvenir affectionné de William. Ce fut une