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Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/52

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jusqu’à la dernière balle ; puis en relevant les yeux j’aperçus la déroute de Moscou. Il ne me restait qu’à tourner bride, sans plus de façon, comme tous les autres. Les hommes qui avaient perdu leur monture avaient sauté en croupe de ceux qui gardaient la leur. La retraite, aussi inepte que l’attaque, se fit en deux bandes séparées. Mais grâce à Dieu, les Indiens ne bougèrent pas. Nous fournîmes une de ces courses appelées « or let the rider die, » la course ou la mort. Nous allâmes huit milles sans nous retourner. De compte fait, le capitaine Harris et un autre de nos compagnons étaient tués ; nous avions trois blessés, et toute espérance était perdue de recouvrer le troupeau de chevaux.

Quelques jours plus tard, j’appris le massacre du courrier de Californie et de toute l’escorte qui l’accompagnait, à Cook’s Spring. La malle s’arrêtait désormais à Camp Hudson, en deçà d’El Paso : nous étions coupés de Santa Fé et de San Francisco. Les habitants de ma vallée, après avoir essayé d’abandonner une partie des maisons, pour se grouper dans les autres qu’ils transformaient en blockhouses, commençaient à regarder leur situation comme désespérée. En consultation générale, un exode définitif fut décidé.

C’en est fait : il faut partir, quitter demeures, troupeaux, campagnes, collines chéries ; il faut rendre à l’état sauvage ce qui vient de l’état sauvage, abandonner ces champs où trois fois nous avons confié le maïs à la terre, quitter ces lieux dont nous avons été les premiers settlers. Là, j’ai goûté tant d’émotions nouvelles ; là, j’ai passé de libres heures, au milieu de la nature vierge et des grandes scènes qui l’animent. Chaque col-