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Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/94

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J’étais chargé d’explorer l’Ouest. Je battis la plaine de ce côté, toute la journée, jusqu’à quatre lieues environ de notre camp. Les clairières et les buissons se succédaient avec une uniformité désespérante, et malgré toute mon attention je n’étais pas moi-même sans quelque inquiétude de partager le sort de Félix. Je décrivis des zigzags dans la campagne vierge, appelant de toutes mes forces, tirant par intervalles mon revolver. Pendant dix heures je fouillai les bosquets sans mettre pied à terre; je ne pris de toute la journée que du pilone mexicain[1], jeté dans une coupe d’eau. Les étoiles avaient paru au ciel lorsque je rentrai au camp… et Félix n’y était pas. Les hurlements des loups, qui durant la nuit se mirent à pousser des cris tous ensemble, nous semblaient ajouter de nouveaux dangers ou tout au moins de nouvelles angoisses à la situation de notre malheureux compagnon.

Le lendemain, nous menâmes les chariots à une faible distance en avant, après avoir laissé un écriteau très-visible, cloué à un arbre, dans l’endroit du bivac que nous quittions. Aussitôt la marche achevée, nous reprîmes nos recherches de la veille. Cette fois elles furent couronnées de succès. Ce fut Rodriguez, chargé de la zone de l’Est, qui eut la bonne fortune de rencontrer son jeune ami et de le sauver d’une mort presque certaine. Il

  1. Le maïs, après une demi-torréfaction, analogue à celle du café, mais moins complète, est écrasé ou moulu. On mêle ensuite à cette farine de la cassonade et un peu de cannelle pilée. Cette poudre, délayée dans l’eau, forme un mélange à la fois nutritif et rafraîchissant. Toutefois, lorsqu’on a du feu, il est préférable de la faire bouillir. La soupe que l’on obtient ainsi est l’atolle de pilone.