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Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/98

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d’éviter la ville que de la traverser. Les marchands, les commissionnaires, les ouvriers, passaient le fleuve sans obstacle. Vidal me fit mon plan de campagne, et me traça un diagramme des rues où j’aurais à marcher. Notre camp, placé dans une situation bien choisie, ne reçut pas un seul visiteur; la nuit se passa sans alerte. Le matin, dès qu’il fit grand jour, je partis à mon tour, à pied, mon fouet de roulier sur l’épaule, résolu de me conformer à toutes les instructions du Mexicain.

Après un quart d’heure de marche, je passai quelques ranches, et je découvris la ville. Celle-ci se compose de maisons les unes en briques, les autres en bois, rangées des deux côtés de larges rues plantées, qui rappellent les quartiers neufs de New-Orléans. Quelques églises, des magasins, la justice de paix, présentent çà et là des constructions plus massives. Malgré l’heure matinale, les habitants étaient à leurs affaires, comme partout dans les villes du Sud. Grâce au dessin de Vidal, je traversai la bourgade sans devoir m’adresser à personne, je parvins au quai, je descendis la berge inégale du Rio Grande, et j’entrai sans mot dire dans la nacelle d’un passeur d’eau.

J’étais à peine assis que le marinier prit ses rames, et je sentis le canot flotter. Je tournai la tête; les ondes me séparaient déjà de la rive texane. Le passage fut silencieux et me sembla long, bien que le fleuve, alors très-bas, n’eût pas plus de cinquante mètres à la ligne d’eau. Je mis pied à terre à l’autre bord; je tirai de ma poche la pièce de monnaie que j’avais préparée; et passant devant les soldats mexicains, qui me rappelaient les compagnons de Mazaniello dans l’opera de