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Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/116

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le robinson suisse.

sible de décider ma femme à venir en mer ; je la laissai donc avec le petit François, et je partis en compagnie de mes trois autres fils, après avoir promis de revenir le soir même ; nous emportions une provision de pommes de terre bouillies, du manioc et nos corsets de liège. Arrivés sur le navire, notre premier soin fut de charger notre bateau d’une quantité d’objets utiles ; pendant que mes enfants couraient gaiement sur le pont, je descendis visiter la pinasse. Deux grands obstacles, presque insurmontables, s’opposaient à son transport : l’endroit où elle était, sa grandeur et son poids. Elle se trouvait, en effet, dans une espèce de cabinet, entre plusieurs cloisons renversées l’une sur l’autre, et sa base appuyée sur la paroi du navire qui plongeait dans l’eau ; il y avait à peine assez de place dans ce cabinet pour laisser à deux hommes la liberté de leurs mouvements ; de plus, les pièces séparées étaient fort pesantes. Que faire donc ? Je donnai quelques coups de hache dans la paroi latérale du navire, afin de pouvoir faire arriver un peu de lumière jusqu’à moi, et je me mis à rassembler plusieurs pièces numérotées de la pinasse ; j’allais lentement ; le courage m’eût peut-être abandonné sans mon vif désir d’avoir ce bâtiment neuf, sûr, solide, qui pourrait servir, plus tard, à notre délivrance.

Cependant la fin du jour arriva, et nous repartîmes pour la baie du Salut, comme je l’avais promis le matin même. Je fus bien content d’y trouver ma femme et le petit François, venus à notre rencontre. Ils avaient pris toutes les mesures nécessaires pour établir notre demeure à Zeltheim, tant que nous aurions à faire des voyages au navire ; de cette manière, nous serions toujours en vue les uns des autres, et nous n’aurions pas à nous fatiguer pour aller de Zeltheim à Falkenhorst. Je fus vivement touché de cette attention délicate de ma femme ; je l’en remerciai et je lui présentai avec empressement notre cargaison. Je savais qu’elle éprouverait un grand plaisir en voyant deux tonnes de beurre salé, trois de farine, quelques petits sacs de blé et de riz, et d’autres