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Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/145

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le robinson suisse.

à notre gauche, des collines verdoyantes chargées sur leurs flancs de palmiers et d’autres arbres inconnus ; à nos pieds, de belles prairies arrosées par la rivière, qui coulait entre deux rives garnies de roseaux et de plantes aquatiques ; pas la moindre trace d’habitation ; silence, calme, solitude : c’était une terre vierge dans sa beauté primitive, telle qu’elle sortit de la main de Dieu. Autour de nous volaient sans effroi des oiseaux de toutes sortes, et sur des fleurs admirables se posaient des papillons aussi beaux qu’elles.

Cependant, à force de regarder de tous côtés avec ma lunette d’approche, je vis dans l’éloignement un groupe animé qui me sembla un troupeau de bêtes de la grosseur des vaches ou des chevaux ; tantôt ces bêtes étaient réunies, tantôt elles s’écartaient les unes des autres, sans doute pour brouter ; je résolus d’en approcher avec précaution en suivant la rivière : le sol était très-humide et très-marécageux en certains endroits, nous avions une peine infinie à nous ouvrir un chemin à travers des roseaux, les plus grands que nous eussions vus jusqu’alors, et qu’on appelle roseaux géants ; plusieurs atteignent jusqu’à quatre-vingts pieds de hauteur et quinze à dix-huit pouces de diamètre ; les sauvages les emploient à faire des mâts pour leurs bateaux et leurs canots. Jack avait envie d’en prendre quelques-uns pour sa mère ; je lui promis de lui en couper plus tard, mais alors il fallait ne pas nous distraire du but principal de notre course ; nous avançâmes donc, et, après être sortis des roseaux, nous vîmes, à quarante ou cinquante pas de nous, un troupeau de buffles sauvages. Ces animaux sont effrayants quand on les rencontre pour la première fois et qu’ils ne sont point apprivoisés ; ils ont une force et une impétuosité extraordinaires. Je compris le danger auquel nous étions exposés, et la terreur s’empara tellement de moi, que je ne pensai même pas à armer mon fusil. Nos chiens, par bonheur, étaient restés en arrière ; et ces buffles sauvages, qui sans doute ne connaissaient point l’homme, se tinrent