Aller au contenu

Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
252
le robinson suisse.

CHAPITRE XXVII

Épitaphe de l’âne. — Le boa est empaillé. — Excursion dans le marais. — La grotte et le cristal de ruche — Frayeur et sensibilité de Jack. — L’anguille d’Ernest.

Notre long entretien, après une période d’angoisses, avait rendu à chacun la gaieté. La faim, du reste, commençait à se faire sentir ; je priai ma femme de nous donner quelque à-compte sur le dîner et d’apporter une bouteille de vin de Canaries pour nous réconforter. Jack et Fritz se levèrent en même temps et détachèrent les buffles, tandis qu’Ernest, François et moi restions près du boa pour en écarter les oiseaux de proie.

Pendant l’absence de ses frères aînés, je grondai Ernest pour le peu de courage qu’il avait montré lors de l’attaque du boa, et je m’efforçai de lui faire comprendre combien la lâcheté était un sentiment dégradant chez l’homme. Le pauvre garçon, du reste, sentait fort bien ses torts ; il était honteux de sa conduite et les larmes lui en venaient aux yeux. Comme punition, je lui ordonnai de composer l’épitaphe de notre âne. Ernest était, non pas le poëte, mais le versificateur de la famille : dès l’enfance, il s’était exercé à écrire des vers ; mais, je dois le dire, ses essais, corrects quelquefois, étaient presque toujours dépourvus de poésie. Après quelques minutes de réflexion, l’épitaphe était composée ; la voici :

ci gît, sous le vert gazon,
victime d’une ardeur trop vive,
un noble et courageux grison
dont la mort cruelle et hâtive
sauva six naufragés oubliés sur cette rive.