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Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/320

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le robinson suisse.

même ils la mangent étendue sur le pain. Nous pouvions les imiter, au moins pour le premier de ces usages. Aussi je fis recueillir toute la graisse dans une grande marmite. Après l’avoir fait bouillir et épurer, nous en eûmes une provision de près de cent livres. Cette graisse ainsi fondue fut ensuite mise dans des petits tonneaux de bambou, fermés et calfeutrés avec soin, où elle devait prendre une forme pâteuse, et devenir ainsi d’un transport plus facile.

Le surplus de la chair que nous ne pûmes utiliser et les entrailles furent abandonnés aux oiseaux de proie, qui se précipitèrent dessus avec une voracité sans pareille. Leur besogne fut plus vite faite que la nôtre, car, quelques heures après, les ossements, dénudés et séchés par la chaleur, étaient parfaitement propres à enrichir notre galerie d’histoire naturelle. Quant aux peaux, après les avoir nettoyées avec soin au moyen de l’eau et de la cendre, après les avoir grattées avec un couteau, et fait sécher au soleil, nous les trouvâmes assez souples pour nous servir de couche ou de vêtements au besoin.

J’avais, en outre, fait une découverte dont il est bon de parler. Tout en fumant la viande, je remarquai un petit arbuste odorant qui rappelait assez, quant à la conformation extérieure, notre lierre d’Europe. Le bois ressemblait au bois de la vigne. De nombreuses grappes pendaient au bout des branches ; j’en fis rapporter quelques-unes par les enfants, et je remarquai que les graines contenues dans les grappes étaient très-petites et avaient une odeur pénétrante et aromatique. Ces graines étaient tantôt rouges, tantôt vertes, mais toujours très-dures. La peau qui les enveloppait se détachait très-facilement, surtout des rouges, aussi attribuai-je la différence des couleurs à une différence de maturité.

L’odeur pénétrante et le goût épicé de ces graines roc firent penser que nous venions de trouver le véritable arbre à poivre, et je remerciai la Providence, qui nous envoyait