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Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/351

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le robinson suisse.

besoin d’un travail manuel qui occupât leur corps pendant une partie de la journée ; leur activité ne pouvait s’accommoder d’une journée entière passée à l’étude. Fritz vint heuresement me proposer, de lui-même, de les employer à la fabrication d’un canot groënlandais.

« Nous avons sur terre, me dit-il, outre nos courriers ordinaires, un courrier extraordinaire, l’autruche, qui peut nous faire parcourir, avec la plus grande rapidité, toute l’étendue de nos domaines. Il nous faudrait quelque chose d’analogue sur mer. La chaloupe et la pirogue sont nos embarcations habituelles, ne pourrions-nous pas avoir un petit canot léger et rapide qui glisserait sur l’eau aussi vite que l’autruche sur la terre, qui, à un moment donné, pourrait nous transporter sur un point quelconque de la côte avec presque autant de promptitude que la pensée ? Les Groënlandais n’ont-ils pas quelque chose dans ce genre-là ? Et nous, hommes civilisés, devons-nous être embarrassés pour faire ce que font ces peuples sauvages ? »

J’approuvai fortement Fritz, et je fis, sans tarder, sa proposition à mes enfants. Elle fut accueillie par tous avec des cris d’enthousiasme, et Ernest ayant dit qu’une embarcation de cette sorte s’appelait un caïak, chacun se mit à crier : « Oui, oui, un caïak, papa, faisons un caïak. » Leur mère, effrayée de la description qu’Ernest lui faisait de ce genre de canot, ne voulut pas consentir à ce que ses enfants s’exposassent jamais sur la mer dans un si frêle bâtiment ; mais nos instances réunies et la promesse d’agir toujours avec la plus grande prudence et de ne monter dans cet esquif que munis d’un appareil de natation lui arrachèrent, non pas un consentement formel, mais un assentiment tacite que chacun de nous interpréta en faveur de ses désirs. Nous nous mîmes donc à l’œuvre avec ardeur, afin d’avoir achevé avant le retour du beau temps au moins la carcasse de notre canot ; du reste, je pensai bien plus à suivre mes propres inspirations qu’à consulter mes souvenirs ; je ne dou-