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Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/457

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le robinson suisse.

étaient garnies ? Bientôt cependant elle nous quitta pour aller aider ma femme à préparer le dîner, pour lequel elle nous promit un plat de poisson frais, ainsi qu’un beau rôti de gibier ailé pour le souper. Ma femme sourit d’un air d’incrédulité au premier point ; il lui paraissait impossible qu’on pût se procurer en si peu de temps assez de poisson pour nourrir sept personnes. Mais Jenny, en souriant aussi, s’élança dans le caïak avec son cormoran, et s’éloigna d’une cinquantaine de pas du rivage. Là, elle mit un collier au cou de son adroit pêcheur, afin d’empêcher qu’il n’avalât lui-même le poisson qu’il prendrait ; puis elle le plaça sur le caïak, où elle le laissa libre. Rien n’était plus intéressant que de voir l’oiseau se jeter à la mer et venir rapporter à sa maîtresse tantôt un hareng, tantôt un saumoneau, etc.

Le dîner n’était pas encore achevé qu’elle songeait déjà à nous procurer le gibier qu’elle nous avait promis pour le souper ; elle demandait seulement la permission d’emmener avec elle le chacal, ce qui lui fut accordé sans peine ; je me bornai à lui dire que je craignais qu’elle ne m’enlevât aussi les ouvriers dont j’avais cependant grand besoin pour m’aider à faire la chaux et la soude, travail auquel cet après-midi était consacré. Jenny reprit, en riant, que je parlais, à la vérité, de faire de la chaux et de la soude, mais que je n’avais pas de vases pour contenir le produit que j’aurais obtenu. Je ne pus m’empêcher d’avouer qu’elle avait raison ; et, comme je rougissais en songeant qu’elle avait montré plus de prévoyance que moi, elle reprit en riant : « Ne vous inquiétez pas, mon cher père, faites de la chaux tant que vous voudrez ; d’ici à demain je vous procurerai tous les vases dont vous pourrez avoir besoin, pourvu, toutefois, que vous consentiez à vous passer pendant quelque temps de Fritz et de Jack. »

Je ne pus lui refuser sa demande ; mais, quand je la vis prendre mon fusil à deux coups, je témoignai quelque crainte qu’elle ne sût pas se servir de cette arme. « Comment pouvez-vous croire, s’écria Jenny, que la fille d’un colonel au