Aller au contenu

Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
438
le robinson suisse.

ce qui pouvait lui être nécessaire à cet effet. Elle entretint pendant longtemps ce feu avec le bois de la corvette naufragée, et plus tard avec des plantes marines desséchées. Elle ne fut pas assez heureuse pour pouvoir se procurer la moindre chose d’utile des débris du navire, du moins en outils ou en vêtements. Plusieurs barils de provisions furent les seuls objets que la mer jeta sur le rocher ; mais elle suppléa à ce qui lui manquait par une merveilleuse industrie. Quelques clous tirés des planches qu’elle avait brûlées furent les seuls outils à l’aide desquels elle confectionna tous les objets dont j’ai parlé plus haut. Ce fut alors qu’elle sentit tout l’avantage de l’éducation, en apparence étrange, que son père lui avait donnée, et de toutes les aventures qui lui étaient arrivées à la guerre et à la chasse. Elle leur devait sa force à supporter la fatigue et sa présence d’esprit dans les embarras et les dangers.

Dans les premiers temps, Jenny avait négligé de tenir compte des jours qu’elle passait sur le rocher, car elle était persuadée qu’elle ne tarderait pas à être délivrée par l’arrivée de quelques-uns de ses compagnons de voyage ; elle ne pouvait pas non plus indiquer avec précision la date du naufrage de la corvette ; elle était certaine, pourtant, que la durée de son séjour en ce lieu avait été au moins de deux ans et demi. Elle regrettait beaucoup d’avoir manqué de papier et de plumes ; mais, comme cela arrive d’ordinaire aux femmes, elle avait conservé dans sa mémoire le souvenir des événements beaucoup mieux que ne le font les hommes, trop occupés, en général, des choses extérieures. Jamais cette pieuse jeune fille n’avait un instant douté que Dieu ne vint à la fin à son secours pour la tirer de dessus son rocher solitaire.

Un de ses principaux amusements avait été d’élever et d’apprivoiser quelques oiseaux qu’elle avait pris dans leurs nids placés contre le bord du roc, mais sans pouvoir jamais en garder aucun auprès d’elle. Ils avaient toujours fini par s’envoler, et c’est ce qui était arrivé à l’albatros que Fritz avait