Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/139

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de caractère, sagace, pratique, généreux et, malgré ses préjugés conventionnels et bourgeois, ayant sur l’art et la vie des idées saines. Sa confiance absolue dans le génie de son fils ne l’empêchait pas de sentir très bien tout ce que celui-ci avait encore à apprendre. Il aurait volontiers prié quelque scholar d’Oxford « d’indiquer à John un moyen d’étudier scientifiquement l’Économie politique » ; à ses yeux, douter de l’Économie politique, c’était douter de la Création. « John ! John ! s’écriait-il, quelles sottises vous débitez là ! », lorsque John émettait quelques-uns de ses splendides paradoxes, aussi inintelligibles que des vers de Pindare pour le prudent négociant écossais. Intellectuellement, le père était l’antithèse même de son fils. Il était le plus fort, lorsque son brillant fils était le plus faible ; par moments, c`était le père qui semblait avoir le bon sens le plus robuste, le plus large, comme le plus près de la réalité et lorsque John eut atteint ses quarante ans, c’était encore le père qui paraissait comme son tuteur, son guide et son soutien.

Tel était l’homme qui, dans les colonnes du Cornhill Magazine, alors édité par son ami Thackeray, entreprit, avec toute la sublime foi en lui-même du Chevalier de la Manche, de démolir le solide bataillon qui avait tenu le champ depuis deux générations en Économie politique, c’est-à-dire les