Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plète. Avec un esprit, une éloquence, une habileté peu communes, Ruskin fortifié et développe ce principe ; mais, dans Munera Pulveris, il va bien plus loin. Par suite du caractère largement constructif du livre, il doit improviser une philosophie sociale de son cru. À cette tâche, il était bien peu préparé par ses connaissances incomplètes, par ses habitudes et par le tour même de son esprit. Il ne peut que lancer quelques suggestions qui sont plus ou moins un écho de Platon, de la Bible, de l’art du Moyen Age et de Carlyle. On ne peut rien imaginer de moins exact comme synthèse cohérente et systématique de la société. Lui, l’autodidacte, l’étudiant impulsif et amateur de l’art et de la poésie, il veut achever la grande œuvre ou échouèrent Platon, Aristote, saint Thomas, Leibnitz — que Locke, Kant, Hume et Bentham entreprirent seulement par fractions. Quand on considère cette longue suite d’efforts pour construire une sociologie systématique, œuvre dont le plan seulement a été tracé, de nos jours, par Comte et Spencer, on ne peut s’empêcher de blâmer Ruskin d’avoir osé, comme en se jouant, traiter un sujet qu’il ignorait profondément, lui qui connaissait en effet aussi peu la littérature philosophique que la vie pratique de notre temps.

Malheureusement, des chagrins intimes et domestiques vinrent alors l’assaillir. Son père était