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Page:Joliet - Les Pseudonymes du jour, 1884.djvu/49

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À défaut du nom, ou des noms, caché sous son masque il nous reste le vaste champ des hypothèses. On a mis plusieurs noms en avant ; moi-même j’ai autrefois attribué ces lettres à une femme, mais je renonce à cette supposition.

Tout bien pesé, voici mon opinion personnelle et mon sentiment particulier : Toutes les lettres ne sont pas de la même valeur. Si elles ont été écrites sous l’inspiration d’une femme, elles ont été retouchées par un homme. Les femmes n’ont pas le sentiment de l’antiquité ; il y a, dans les Lettres de Colombine, des morceaux qui annoncent des études classiques, des portraits qui dénotent, par la netteté des contours, une touche virile.

Toutefois, une femme y a mis la main, on peut l’affirmer avec certitude. Ces lettres contiennent, à l’endroit des femmes, des méchancetés particulières qu’un homme ne trouverait pas au fond de son encrier, fût-il rempli de fiel. Ces flèches sont empoisonnées, ces flèches sont lancées par une main féminine. Il n’y a qu’une femme qui sache frapper juste au défaut de la cuirasse de son sexe. Là où il y a un mur d’airain pour nous, il y a une toile d’araignée pour elles. Ce que l’étude, le raisonnement et l’observation nous démontrent, elles le devinent par instinct du premier coup. Les femmes seules pénètrent les femmes ; c’est un instrument dont elles savent faire vibrer les cordes douloureuses ; nous ne savons que les briser. Marivaux, qui les connaissait, disait : « Le style a un sexe. » Christine de Suède a laissé cet aphorisme : « L’art de se venger est peu connu. » Diderot dit, dans ses admirables et profondes pensées sur les Femmes, qu’elles sont toutes des sauvages et que rien ne peut corrompre en elles l’instinct de nature ; pour lui, elles ne sont pas des êtres de raison. Elles sont toutes comme la femme de l’Apocalypse sur le front de laquelle était écrit ce mot : mystère.