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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/262

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


en uniforme. Abria, son colonel, sollicitait un passe-port pour l’Alsace[1] ; Esterhazy, avec son effronterie habituelle, lui confia qu’il connaissait fort bien Schwarzkoppen et d’autres personnages de l’ambassade ; sa parenté avec les Esterhazy d’Autriche, ses alliances dans la haute aristocratie, l’ont mis en rapport avec le monde diplomatique ; il lui réglera au plus vite cette petite affaire.

Le Scapin s’amusa fort (se sachant suivi, se retournant pour voir si l’agent n’a pas perdu sa piste) à aller ainsi, d’un pas léger, dans la redoutable « maison au grand jardin ». Que Picquart brusque l’opération, Esterhazy aura raison de lui, le jour même, en prouvant l’honorable cause de ses démarches. Du coup, Esterhazy est sauvé, Picquart abîmé dans le ridicule. Même si Picquart ne manque pas de sang-froid, s’il prend la précaution de s’enquérir des motifs qui conduisent Esterhazy, en plein jour, à l’ambassade, l’argument reste en réserve pour l’avenir. — Il saisit apparemment l’occasion d’aviser Schwarzkoppen que leurs relations étaient soupçonnées, qu’une carte avait été saisie, qu’il fallait, à l’avenir, s’abstenir de toute correspondance. Schwarzkoppen devint attentif[2].

Picquart s’était borné à dire à Desvernine[3] : « J’ai

  1. Cass., I, 149 ; Instr. Tavernier, 12 nov. 1898, Picquart. — Cass., I, 730 ; Rennes, II, 253, Desvernine. — Instr. Ravary, 15 déc. 1897, Esterhazy : « Je suis allé à l’ambassade d’Allemagne, en uniforme, à trois reprises différentes dans une même semaine… J’ai eu des relations très ouvertes avec M. de Schwarzkoppen avec lequel j’ai échangé, sans me cacher le moins du monde, très peu de visites, deux ou trois, pas plus. » (Cass., II, 118.) — Selon Desvernine, Esterhazy était en « habits civils ». (Cass., I, 732.)
  2. Aff. Picquart., 270, Picquart : « On soupçonna des indiscrétions dans le milieu d’où provenaient les cornets. »
  3. Il ne le fit pas venir au ministère, mais lui donnait rendez-