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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/179

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LA MORT D’HENRY

Ainsi, malgré les objurgations d’Esterhazy, il avait refusé de dénoncer ses collaborateurs, ni Henry, ni Boisdeffre et Gonse, ni même Gribelin.

Esterhazy eut alors la parole pour sa défense.

Il parla longuement, pendant plus d’une heure, sommairement sur ses affaires privées, regrettant les termes des lettres à la Boulancy, « écrites à l’heure d’une grande déception » ; et, longuement, avec une grande véhémence où grondait l’orage, sur ses rapports avec l’État-Major, dont il avait été « l’homme », et sur son « sauvetage » par les émissaires du ministère de la Guerre. Du Paty n’est pas venu seul au rendez-vous de Montsouris, mais avec deux autres officiers : Henry, qu’il nomma, dans un mouvement incompressible de méchanceté (quand Du Paty s’y était refusé), et un autre « qu’il n’était pas besoin de nommer ».

Il dit tout, mêlant, à les rendre inextricables, le mensonge et la vérité : que toutes ses lettres, même celles à Picquart en Tunisie, lui avaient été commandées ; — il n’a écrit de lui-même que la lettre où il demandait à passer devant un conseil de guerre, et qui était de Tézenas ; — que Du Paty, « qui n’agissait pas en son nom propre », était entré en relations directes avec son avocat ; que Wattinne, le gendre de Billot, y venait aussi ; que l’État-Major, par Pellieux, lui avait fait mener dans les journaux une vive campagne contre le ministère d’alors et avait engagé sa promesse de ne pas le « lâcher ». Pour sa maîtresse, « cette ancienne femme galante », selon le rapporteur, elle avait été l’ambassadrice officiellement acceptée entre l’État-Major et lui. Du Paty, Henry, d’autres encore, étaient venus chez elle[1].

  1. Cass., II, 180 à 182, Esterhazy.