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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/264

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


au nom du ministre de la Guerre, « sa déposition, avec cette autorité, a dû peser d’autant plus sur les juges », Zurlinden lui-même vient d’ajouter, à son insu, un argument formidable en faveur de la Revision, quand, tout à l’heure, par une mesure grave, il a disqualifié le premier officier de police judiciaire qui fut chargé d’informer contre Dreyfus. Henry convaincu de faux et s’étant fait justice lui-même, Du Paty en réforme, Esterhazy chassé de l’armée et en fuite, comment ne pas saisir la Cour de cassation ? Il ne s’agit pas pour les ministres de se prononcer sur Dreyfus, mais de renvoyer l’affaire à la justice[1]. — Zurlinden tint bon, sortit quelques-unes des pièces secrètes, une lettre de la comtesse Marie de Munster, avec ces mots : « On a trop jasé… », et plusieurs des autres faux d’Henry ; il convint, pourtant, que « la Revision ne faisait courir aucun risque de guerre ». Ces pièces parurent sans intérêt[2]. D’autre part, le classement même du dossier, les notes dont Zurlinden donna lecture démontraient à l’évidence la communication clandestine en chambre du conseil. La Revision s’imposait d’autant plus, mais les responsabilités s’élevaient. (Certains collègues de Mercier n’avaient-ils rien su de la forfaiture, Dupuy, Félix Faure ?) — Enfin Zurlinden se rabattit sur le bordereau ; mais Bourgeois rappela que Cavaignac lui-même renonçait à l’attribuer à Dreyfus. — À bout d’arguments, Brisson et Zurlinden déclarèrent que, si le Conseil ne se rangeait pas à leurs avis respectifs, ils se démettraient, et qu’il fallait trancher la question le jour même.

  1. Souvenirs de Brisson. (Siècle du 20 mai 1903.)
  2. Le récit de cet incident parut, le 22 novembre 1898, dans l’Union Républicaine du Jura, le journal de Trouillot. La Libre Parole et le Petit Journal alléguèrent, plus tard, que Zurlinden n’avait pas communiqué toutes les pièces secrètes.