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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/280

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Zurlinden remit le service à Chanoine, il « appela fortement son attention » sur Picquart, précisant d’ailleurs que la décision avait été réservée au conseil des ministres[1]. Il insista ensuite « pour que la désignation du gouverneur de Paris (la sienne) ne fût pas retardée »[2] et, Chanoine lui ayant donné sa parole, il alla tout droit à l’hôtel des Invalides, qui est le siège du gouvernement militaire, et reprit possession, d’avance, de sa prébende[3].

Fallait-il réintégrer Zurlinden ? Les revisionnistes (Guyot, Lacroix, Ranc, quiconque voyait clair) conjurèrent Brisson de s’y refuser : « Ce soldat semblait n’être entré au ministère que pour sauver les vrais coupables ; il s’était fait, par camaraderie, par esprit de corps, ou par sottise, leur complice ; aucune compensation ne lui était due. Qui la réclamait pour lui ? La presse catholique et les nationalistes, dans un flot de sales outrages et de menaces : Brisson, « un vieux drôle », « un gredin », « un sinistre hypocrite » ; Chanoine, « un forban », « un Ganelon », « un être abject » ; aussi bien « l’Affaire se terminerait-elle à la française, par la pendaison des ministres vendus », et « par une nouvelle Saint-Barthélemy des Juifs, les égouts charriant les cadavres des traîtres »[4]. Tels sont les patrons de Zurlinden.

  1. Zurlinden, Ma Réponse : « La nécessité pour Chanoine d’étudier le dossier, afin de le soumettre sans retard au conseil qui en avait déjà été saisi, mais qui n’avait pris encore aucune décision.
  2. « Au delà du prochain conseil des ministres. » (Note officieuse de Zurlinden dans le Temps du 19 septembre 1898.)
  3. « Je m’enferme aux Invalides et pendant deux jours ne reçois âme qui vive. » (Ma Réponse.)
  4. Drumont, dans la Libre Parole du 18 septembre ; de même Rochefort. Millevoye, Judet, les Croix, etc. — Lettre de Lasies : « Vos étoiles sont ternies ; l’armée vous méprise. Vous êtes un soldat indigne. »