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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/524

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Enfin, Esterhazy se décida à venir. Son avocat avait reçu l’assurance que sa liberté serait garantie pendant qu’il serait à la disposition de la Cour. Il se fit précéder par une lettre à Mazeau, où il répéta qu’il avait été employé par Sandherr et qu’il l’avait mis sur la piste de plusieurs espions[1].

Il se logea chez des religieux, les frères Saint-Jean-de-Dieu ; mais les « patriotes » ne montrèrent plus aucun empressement à fêter le « martyr des juifs ». Drumont, seul, resta fidèle, lui envoya Gaston Méry, annonça des révélations. « Il s’expliquera sur ses relations avec Schwarzkoppen[2]. » Mercier, qui se gardait toujours des gros mensonges, comme c’en eût été de confirmer publiquement la version du contre-espionnage, s’en tira par une sottise : « Si Esterhazy a opéré avec des personnalités étrangères, c’est par pur dilettantisme[3]. » Il parla avec émotion d’Henry[4] et conclut : « Si la Revision est prononcée, des désordres très violents éclateront ; on ne laissera pas Dreyfus rentrer en France. »

Pendant les cinq jours qui précédèrent sa comparution[5], Esterhazy négocia, presque ouvertement, par l’intermédiaire de Cabanes, Laguerre et Lasies, dont il reçut et fit raconter les visites. Il avait trop dit qu’il

  1. Cass., I, 608, lettre du 13 janvier 1898 : « Des fuites existaient depuis 1893 au ministère de la Guerre ; elles m’avaient été signalées par le colonel Sandherr, et j’ai pu, grâce à mes relations, lui fournir sur leur provenance des indications précieuses qui, vérifiées, furent reconnues exactes. »
  2. Libre Parole du 23 janvier.
  3. Soir du 19 et Journal du 23. Rochefort reprit le mot. (Intransigeant du 21.)
  4. « J’ai gardé mon estime à la mémoire du colonel Henry. »
  5. Il arriva à Paris le 17, déposa le 23 et le 24, puis le 30. (Cass., I, 575 à 607.)