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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/115

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CHAMBRES RÉUNIES

« Par ces motifs et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens », — c’était la prétérition qui avait été convenue pour ne pas faire mention du faux d’Henry, — « la Cour casse et annule le jugement rendu le 28 décembre 1894 contre Alfred Dreyfus, et renvoie l’accusé devant le conseil de guerre de Rennes, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil, pour être jugé sur la question suivante : « Dreyfus est-il coupable d’avoir, en 1894, pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec une puissance étrangère, ou un de ses agents, pour l’engager à commettre des hostilités, ou entreprendre la guerre contre la France, ou pour lui en procurer les moyens, en lui livrant des notes et documents mentionnés dans le bordereau sus-énoncé ? »

Rennes, en plein pays breton et catholique, avait été indiqué par Dupuy ; Dreyfus, débarquant à Brest, y sera plus vite rendu (à la prison où il sera enfermé jusqu’à son procès).

L’arrêt, ainsi rédigé, fut adopté alors à l’unanimité.

Encore, à la dernière minute, Lepelletier demanda, pour lui et quelques-uns de ses collègues, une suspension d’audience. Ils se concertèrent, donnèrent leurs voix.

Mazeau, avant d’ouvrir l’audience solennelle, adressa une allocution à ses collègues. Il leur dit que cette terrible affaire, qui avait déchiré le pays, avait troublé également la vieille paix de la Cour suprême, mais qu’il fallait maintenant oublier ces querelles dans la joie de la justice réalisée et d’une aussi grande œuvre accomplie en commun. Il s’adressa surtout à la Chambre criminelle : elle a été à l’épreuve ; maintenant, elle est victorieuse ; elle ne gardera aucune rancune du passé.