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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/159

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DÉFENSE RÉPUBLICAINE


dait d’interroger l’homme dont il était le directeur de conscience. Il revint alors à son affaire personnelle, mais sans plus de succès, et protestant toujours qu’il ne se mêlait pas de politique et ne tenait pas à ce que Dreyfus fût coupable, mais qu’il n’en savait rien.

Quand il se sentit battu, il fit effort pour n’en rien montrer, et, une fois à table, mangea de bel appétit. Il avait de l’esprit, un peu gros, et des connaissances fort variées, mais je ne trouvai chez lui aucune trace de cette fameuse habileté de sa Compagnie ; sa tentative sur moi suait la crainte, et il avait peur également pour son Ordre. Il finit par me demander si je ne prévoyais pas une nouvelle expulsion des Jésuites : « Mon Père, lui dis-je, je suis un disciple de Voltaire qui offrit à deux jésuites exilés l’hospitalité de Ferney ; mais je ne vous promets pas de vous faire dire la messe chez moi[1]. »

IX

Les royalistes ayant insulté Loubet aux courses d’Auteuil, les républicains décidèrent de le venger, le

  1. Il me demanda encore, et j’y consentis, de renoncer à son témoignage, quand viendrait mon procès avec la veuve d’Henry. — Le jour même et les jours suivants, je racontai l’incident à Waldeck-Rousseau, à Picquart et à Mathieu Dreyfus. J’en avais rédigé sur l’heure une manière de procès-verbal. Quand je fus amené, deux ans plus tard, à la suite d’une indiscrétion de Clemenceau (qui avait connu l’incident par Mathieu Dreyfus et par Picquart), à m’en expliquer et à raconter notre entretien, Du Lac ne me démentit pas d’un mot. Dans une lettre à Camille Pelletan (12 mars 1901), il convint de sa conversation avec Boisdeffre au sujet du plan XIII : « Vous avez l’air fatigué. — Je le suis, mais j’ai fini mon travail ; ils auront le plan au jour fixé. » Puis : « Ce qu’était le plan XIII, il ne me le dit pas, et je ne le sais pas encore à l’heure qu’il est. »