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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/165

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DÉFENSE RÉPUBLICAINE


prises pour la journée et de tous ses ordres. Se sentant perdu, il voulut du moins tomber crânement et ne céda rien. Tous l’abandonnèrent, sauf quelques amis personnels et un lot de radicaux, ceux dont Viviani disait que, « pour ces solennels eunuques, la République était sauvée quand ils avaient casé leur clientèle[1] ». Il essaya pourtant de l’appel classique, mais qui échoue toujours, « aux hommes vertueux du Centre ». Ribot, Poincaré, comme Brisson et Millerand, en avaient assez ; Méline lui-même guettait sa chute, manœuvra pour le faire tomber à son profit. Mais la majorité, qui ne voulait pas plus de lui que de Dupuy, fit coup double, le repoussa du même geste qui renversait l’autre. Méline se refusait seulement à blâmer la police, Dupuy réclamait un ordre du jour implicite de confiance. Près de trois cents voix votèrent une belle formule : « La Chambre, résolue à ne soutenir qu’un gouvernement décidé à défendre avec énergie les institutions républicaines et à assurer l’ordre public…[2] »

Il avait tellement lassé et trompé tout le monde que les royalistes et les nationalistes, pour qui il s’était perdu, se joignirent contre lui à la gauche[3], Drumont en tête qui lui appliqua le mot de Tacite : « Morbo proditor, menteur par tempérament ».

  1. Petite République du 14 juin 1899.
  2. L’ordre du jour fut présenté par un radical, Ruau, qui expliqua, au dernier moment, « qu’il ne mettait pas en jeu la question de confiance ». Dupuy répondit que, l’ordre du jour n’affirmant pas la confiance, il ne pouvait pas l’accepter. Quand on eut repoussé la priorité en faveur des ordres du jour de Vaillant (pour les socialistes), de Saumande (pour le ministère) et de Dulau (pour les amis de Méline), celui de Ruau fut adopté par 296 voix contre 159 ; 89 députés s’abstinrent, dont Ribot, Cavaignac et Cassagnac.
  3. La majorité comprend 52 nationalistes, royalistes et ralliés, la minorité 8. — Tous les journaux, royalistes et nationa-