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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/240

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tion avait jugé souverainement, in terminis, et qu’aucun témoin ne pouvait être cité, aucun débat se rouvrir sur ces vérités acquises, définitives, « à peine d’excès de pouvoir et de nullité ». Toute dénonciation relative à des faits autres que ceux visés par l’arrêt doit être écartée, réservée, s’il y a lieu, à un autre procès. Par contre, Galliffet renonce à son droit « de tracer au ministère public des réquisitions écrites ».

Cette dernière décision ne fut pas adoptée sans un grand trouble de conscience. Le gouvernement avait pris l’engagement, dans sa déclaration — et comment ne l’aurait-il pas pris ? qui, parmi les revisionnistes, eût voulu d’un acquittement par ordre ? — que « la justice accomplirait son œuvre dans la plénitude de son indépendance », et Waldeck-Rousseau y avait insisté aux applaudissements des républicains : « Nous avons écarté tout acte qui pourrait être interprété comme de nature à créer un préjugé et à peser sur la justice… Nous aurons le respect de tous les arrêts et de toutes les sentences ; nos actes montreront si c’est ou non une vaine promesse[1]. » Cette même loi, d’autre part, qui veut que les juges soient libres, permet au chef de la justice, qu’elle soit militaire ou civile, de faire connaître qu’il tient l’accusé pour innocent ou pour coupable[2] ; plusieurs ministres, surtout Millerand, furent d’avis que Galliffet invitât Carrière à abandonner l’accusation ; l’opinion du ministre de la guerre, ainsi signifiée, décidera du verdict des juges. Mais Waldeck-Rousseau contesta ces espérances : Comme la plume seule est « serve », le commissaire du gouvernement reste maître, après avoir conclu pour Dreyfus

  1. Discours du 26 juin 1899.
  2. Articles 27 et 274 du Gode d’instruction criminelle.