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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/259

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LE RETOUR DE L’ÎLE DU DIABLE


en quête d’un sabre, se défendit de se mêler de politique, mais ne fut pas moins troublé, empoisonné. Ni la démagogie antimilitariste ni la franc maçonnerie n’ont fait à la haute armée et à l’Église la dixième partie du mal que lui ont fait les salons et les châteaux. Quand Galliffet, qui ne l’aimait pas et à qui il le rendait, devint ministre, il n’y put tenir. Il n’y avait pas de nom qui dût rassurer davantage les officiers ; Négrier feignit de craindre que le gouvernement pactiserait désormais avec les insulteurs et les ennemis de l’armée.

Cette prétendue inquiétude, si Négrier l’avait promenée seulement dans le monde, eût été déjà une assez laide comédie ; mais il la porta dans les régiments qu’il avait à inspecter à cette époque, dans la région de l’Est, où les passions étaient plus vives qu’ailleurs. Galliffet était à peine installé qu’il se mit en campagne[1]. Dès qu’il arrivait dans une garnison ou dans un camp (avec l’appareil du chef de la principale armée, celle qui a la garde des Vosges), il réunissait les généraux et les colonels et les invitait à communiquer à leurs officiers que « le haut commandement ne se désintéressait pas des attaques sans entraves dont ils étaient l’objet… À cet égard, les membres du conseil supérieur de la guerre sont unanimes et leur entente est complète. S’ils ne croient pas devoir agir actuellement, c’est parce que leur action serait attribuée aux préoccupations de l’affaire Dreyfus. Si, après l’Affaire, les attaques continuent, le haut commandement provoquera les mesures nécessaires pour les arrêter… Jusque-là, les officiers doivent s’abstenir, ne pas parler et, surtout, ne pas écrire. »

  1. 24 juin 1899. — Le ministère avait été constitué le 22.