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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/264

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


criaient ainsi que pour cacher leur impuissance[1].

Au contraire, quand on possédait les rapports de la police secrète, c’est-à-dire des affiliés infidèles de Déroulède, on comprenait son jeu qui était d’abriter sous la méprisante confiance de l’adversaire, systématiquement provoquée, son action souterraine et efficace. Un mot qui lui avait échappé, entre beaucoup de sottises et de plates injures, à la cour d’assises, s’éclairait d’une vive lumière : « Ma tentative doit rester inexpliquée, ne fût-ce que pour être renouvelable. » On pouvait observer enfin avec quel soin nouveau il ménageait le duc d’Orléans, qu’il avait si furieusement menacé en février, avant Reuilly[2], et Victor, toujours endormi, mais dont les amis, Legoux, de Dion, se remuaient beaucoup. Au lieu d’affirmer, à son ordinaire, la République, il n’indiquait plus qu’une préférence : « La France peut-elle être sauvée par un de ces prétendants que je ne connais d’ailleurs ni l’un ni l’autre ? Je ne le crois pas. En tout cas, elle ne peut être sauvée que par la volonté du peuple » qui choisira lui-même son maître après le succès du coup de force[3]. Ainsi, il

  1. La Gazette de France publia, le 10 juillet, le rapport du préfet de police Blanc (de mars 1899) sur les menées royalistes et l’affaire de Reuilly. Buffet ayant refusé de dire s’il avait ou non donné de l’argent à Guérin et à Déroulède, Guérin niant qu’il fût allé à Marienbad chez le duc, Déroulède protestant qu’il n’avait pour but que de substituer la République plébiscitaire à la République parlementaire, et Castellane déclarant que les subventions qu’il avait pu faire aux ligues ne regardaient personne, les journaux les plus avisés conclurent « à l’inanité de tous les complots et attentats dont on nous rebat les oreilles ». (Temps du 12 juillet.)
  2. Voir t. IV, 582 et 589.
  3. Haute Cour, I, 127, lettre d’E. Berger au colonel Villot : « Beaucoup de républicains sont dégoûtés : mais ils ont tant proclamé leur loi républicaine qu’ils ne peuvent se déjuger sans transition. Il faut donc les amener au plébiscite par degrés et sous le couvert de la République. »